La diversité de coloration des oiseaux diminue leur risque d’extinction

Est-ce que les espèces présentant une plus grande diversité de coloration (polymorphisme) ont un risque d’extinction inférieur à celles ne présentant pas de diversité de coloration ? C’est la question que se sont posés Simon Ducatez (post doctorant de l’Université de Sidney en Australie) et Lisa Jacquin (Maître de conférences au laboratoire EDB – membre de TULIP) dans un article paru en Avril 2017 dans la revue Global Change Biology.

Espèces polymorphes et espèces non polymorphes

La première étape pour tester cette question sur l’ensemble des oiseaux du monde était de vérifier si chacune des 10394 espèces de la base de données HBW (Handbook of the Birds of the World) était polymorphe ou non. Avec l’aide de Mathieu Giraudeau (postdoctorant à l’Université d'Exeter - UK) et Christophe Thébaud (laboratoire EDB), les auteurs ont déterminé pour chaque polymorphisme s’il s’agissait d’un polymorphisme « vrai », à savoir une diversité de coloration de plumage au sein d’individus de la même espèce présents sur la même aire géographique, ou si le polymorphisme était réparti sur des populations dispersées sur différentes aires géographiques (qu’ils ont appelé « variation géographique »).

Estimer le risque d’extinction

Leur hypothèse de travail était que les espèces présentant un polymorphisme de plumage en coexistence au sein d'une même aire géographique seraient mieux à mêmes de répondre à une perturbation de leur environnement, et auraient donc un risque d’extinction plus faible que les espèces non polymorphes. En effet, la coloration co-varie souvent avec de nombreux traits comportementaux et physiologiques, chaque forme colorée exploitant souvent une niche écologique légèrement différente. Les espèces polymorphes présentent donc souvent une plus grande diversité comportementale, physiologique et de micro-habitats, leur permettant potentiellement de mieux répondre aux variations de l'environnement. Les auteurs ont utilisé les listes rouges de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature) comme données sur les risques d’extinction des espèces (ces dernières étant classées par catégories vulnérable/en danger/en danger critique) et ont testé le lien entre ce classement et le polymorphisme, en en prenant en compte différents autres facteurs : effort de recherche, insularité, temps de génération, masse des individus, nombre d’habitats différents.

Anser caerulescens@LisaJacquinVIGNETTE

Anser caerulescens ©LisaJacquin

Importance de la variabilité intraspécifique

De ces jeux de données ressort que, comme attendu, les espèces polymorphes sont effectivement sous-représentées parmi les espèces en danger d’extinction, tandis que les espèces ne présentant qu’un morphe sont surreprésentées. Ce résultat soutien donc l'idée que, comparées aux espèces monomorphes, les espèces polymorphes auraient moins de risque d’extinction, leur diversité intra-spécifique (au sein même de l’espèce) leur conférant une meilleure capacité à répondre aux modifications environnementales dans un contexte de changements globaux. C'est là un résultat de plus soulignant la nécessité de prendre en compte la diversité intra-spécifique lorsque l’on évalue les réponses de la biodiversité aux changements globaux.

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 18 juillet 2017 | Rédaction : Guillaume Cassiède-Berjon & Lisa Jacquin