Conquête ou virulence : comment Ralstonia module sa stratégie d’attaque ?

Dans deux articles parus fin 2016 dans la revue PLoS Pathogens, Rémi Peyraud (équipe Pouvoir pathogène de Ralstonia et adaptation à son environnement - LIPM), aidé de Ludovic Cottret (équipe Bio-informatique - LIPM), combine modélisation mécanistique « prédictive » et données expérimentales dans une approche de biologie des systèmes afin de reconstruire l’ensemble du réseau métabolique de la bactérie Ralstonia solanacearum.

Les membres de l’International Scientific Board de TULIP ne s’étaient pas trompés en attribuant en 2012 un financement « New Frontiers » à ce projet qui accompagnait l’arrivée de Rémi Peyraud au sein de la communauté TULIP, projet de biologie des systèmes qui visait à étudier les coûts de production des facteurs de virulence de la bactérie, les capacités métaboliques de la bactérie à collecter des ressources dans la plante qu’elle infeste et à prédire la causalité reliant des mutations affectant le réseau de régulation et les phénotypes de Ralstonia solanacearum.

Générer un modèle métabolique

Les auteurs se sont attelés à réaliser le modèle mécanistique de l’ensemble des réactions catalysées par le pathogène pour faire le lien entre son génotype, son phénotype et sa capacité à produire des facteurs de virulence. Pour cela, ils ont intégré l’ensemble des connaissances disponibles sur Ralstonia, que ce soit au niveau du génome ou par la bibliographie, afin de créer un modèle prédictif de phénotypes. L’approche adoptée ici est classique dans le domaine des biotechnologies, plusieurs modèles métaboliques de micro-organismes ont déjà été reconstruits de cette façon, c’est l’application à la modélisation d’un pathogène de plante qui fait toute la nouveauté de la chose. Utilisant ensuite ce modèle, ils ont pu quantifier précisément les coûts des différentes fonctions de virulence de la bactérie et analyser l’articulation entre les flux de consommation des substrats, de production des facteurs de virulence et de génération de descendance.

Déterminer le coût de production d’un facteur de virulence

Les auteurs ont ensuite créé des mutants bactériens dans lesquels ils supprimaient les voies de biosynthèse de facteurs de virulence, parmi lesquels figurent les exopolysaccharides (EPS) qui sont associés au flétrissement de la plante. Ces EPS étant très coûteux à produire énergétiquement, les bactéries mutantes qui n’en produisent pas peuvent donc allouer des ressources supplémentaires pour leur prolifération, mettant en lumière un exemple de compromis entre prolifération et virulence.

Dans un environnement à ressources limitées, le coût de production des facteurs de virulence force Ralstonia à optimiser son fonctionnement métabolique sur les ressources disponibles dans la plante. Cette optimisation métabolique est orchestrée par un réseau de régulation qui va contrôler temporellement la production des facteurs de virulence en fonction de plusieurs paramètres environnementaux (y compris la densité cellulaire bactérienne au cours de l’infection). Cette dynamique n’est pas sans conséquences évolutives : quand apparaît un mutant qui ne produit plus de facteurs de virulence, il aura un gain en terme d’activité métabolique et de dissémination dans l’hôte en comparaison de la souche sauvage qui paie le coût de synthèse de ces facteurs de virulence.

Caractériser les gènes responsables

Suite à la sortie de ce premier article, les auteurs se sont demandés si un tel mécanisme pouvait être associé à des mutations observées dans le gène efpR, identifié lors d’expériences d’évolution expérimentale réalisées par Alice Guidot. En effet, en maintenant la croissance des bactéries sur plus de 300 générations dans la plante, des mutants sont apparus présentant un gain en terme de dissémination dans l’hôte en comparaison de la souche sauvage et possédant des mutations dans le gène efpR.

L’équipe a donc établi le profil transcriptomique et la caractérisation phénotypique du mutant où efpR est inactif et ont intégré les données dans le modèle métabolique du pathogène. Ces travaux ont montré que efpR est bien impliqué dans la répression catabolique et dans l’activation de la production des exopolysaccharides. EfpR serait donc un acteur central du réseau de régulation de la virulence de Ralstonia solanacearum et un suspect idéal de la régulation du compromis entre prolifération et virulence.

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 01 février 2017 | Rédaction : Guillaume Cassiède-Berjon & Rémi Peyraud