Quand le cytoplasme façonne le phénotype

Centres de la photosynthèse et de la respiration, les chloroplastes et mitochondries jouent un rôle crucial dans le métabolisme énergétique chez les plantes. Les génomes nucléaires et cytoplasmiques sont connus pour être co-adaptés au niveau de l’espèce, parce que le métabolisme des organites dépend de la bonne interaction des protéines codées par les organites et par le noyau. Un projet collaboratif interdisciplinaire à l’interface entre génétique, écologie évolutive et biostatistiques a permis à l’équipe de Fabrice Roux (LIPM) d’explorer l’étendue de la coadaptation cytonucléaire au niveau intraspécifique chez l’espèce végétale modèle Arabidopsis thaliana.

L’article de Fabrice Roux « Cytonuclear interactions affect adaptive traits of the annual plant Arabidopsis thaliana in the field » récemment paru dans Proceedings of the National Academy of Sciences USA est le fruit d’une collaboration étroite sur plusieurs années entre ce dernier et l’équipe de Françoise Budar (INRA Versailles – pôle thématique Reproduction et Graines – Équipe Organites et Reproduction).  S’ajoute à cette collaboration un binôme de biostatisticiens appelés  à la rescousse afin d’assurer une robustesse statistique au design du protocole expérimental et aux analyses associées : Tristan Mary-Huard et Marie-Laure Martin-Magniette.

La contribution des interactions noyau-cytoplasme sur la variation naturelle de traits adaptatifs était assez bien documentée au niveau interspécifique. La lumière restait à faire au niveau intraspécifique, sur lequel on en savait finalement peu : c’est maintenant chose faite.

56 cytolignées passées au crible pour 28 traits adaptatifs
Créations des cytolines

Afin de déterminer la prévalence de l’effet des interactions noyau-cytoplasme au sein d’A. thaliana, il a notamment fallu du temps pour créer un matériel génétique unique et adapté, à savoir des cytolignées. Par croisements répétés, celles-ci résultent du remplacement des mitochondries et des chloroplastes d’une lignée génétique donnée par les mitochondries et les chloroplastes d’une autre lignée génétique. Ce travail laborieux a été effectué pour 8 lignées parentales choisies afin de maximiser la représentativité en termes de diversité génétique mondiale : le cytoplasme de chacun des parents a été remplacé par celui des 7 autres parents. Une fois les lignées obtenues, afin de replacer A. thaliana dans un contexte écologiquement réaliste, les cytolignées et leurs parents ont poussé au printemps dans un champ.

Les résultats indiquent que les interactions entre génomes nucléaire et cytoplasmique façonnent la variation pour 23 des 28 traits phénotypiques étudiés, suggérant que ces interactions peuvent fortement affecter les dynamiques évolutives des populations naturelles d’A. thaliana.

Pour aller plus loin, Fabrice Roux estime qu’il faudrait passer dans le champ de la biologie moléculaire afin d’identifier les mécanismes génétiques et moléculaires qui interviennent dans la variation naturelle des interactions cytonucléaires.

Trois originalités pour ce travail de recherche
  • Le nombre de croisements entre 8 lignées mondiales, menant à 56 lignées cytoplasmiques
Cytoplasme_interactions_PNAS_Roux_dispositif_experimental

Dispositif expérimental (photo © Fabrice Roux)

  • Les conditions expérimentales écologiques, qui ont montré un effet différent entre les cultures sous serre et en champ, avec notamment l’apparition d’une stérilité mâle. Un choix qui met en exergue la complémentarité entre les protocoles expérimentaux « sous serres » et la nécessité de replacer les expériences dans des contextes écologiquement réalistes.
  • La majorité des traits phénotypiques mesurés sont affectés dans les cytolignées, ce qui amène à envisager la  nécessité d’intégrer les interactions noyau-cytoplasme dans l’étude des mécanismes moléculaires associés à la variation naturelle.

Voir aussi

  • Références de publication

Fabrice Roux, Tristan Mary-Huard, Elise Barillot, Estelle Wenes, Lucy Botran, Stéphanie Durand, Romain Villoutreix, Marie-Laure Martin-Magniette, Christine Camilleri, and Françoise Budar Cytonuclear interactions affect adaptive traits of the annual plant Arabidopsis thaliana in the field PNAS 2016 113 (13) 3687-3692; published ahead of print March 15, 2016, doi:10.1073/pnas.1520687113

  

  • Présentation de Fabrice Roux lors de son arrivée au sein du TULIP

https://www.labex-tulip.fr/Actualites/Fabrice-Roux

 

  • Présentation de l’équipe de Françoise Budar

http://www-ijpb.versailles.inra.fr/fr/bs/equipes/organites/index.htm

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 26 avril 2016 | Rédaction : G. Cassiède-Berjon