Notre capacité à prédire l’évolution d’adaptation est très limitée dans les populations naturelles

Bien qu'il existe de nombreux exemples de sélection naturelle contemporaine, les preuves de réponses à la sélection correspondant aux prédictions manquent souvent dans des populations en conditions sauvages. Issu de réflexions scientifiques entre chercheurs de plusieurs laboratoires dont 3 du LabEx TULIP (EDB – UMR 5174 CNRS/UPS/IRD ; LIPM UMR 2594/441 CNRS/INRA et SETE UMR 5321 CNRS/UPS), cet article dans Trends in Ecology & Evolution explore les effets combinés de mécanismes pouvant accélérer ou contraindre la réponse à la sélection naturelle.

Notre capacité à prédire l’évolution d’adaptation est très limitée dans les populations naturelles. Bien qu’efficace pour prédire la sélection de populations soumises à des conditions contrôlées, telles que l’élevage, où la sélection est possible et efficace, les chercheurs constatent un manque de réponse à la sélection chez les populations sauvages. Malgré la diversité présente dans les populations naturelles et les pressions de sélection exercées, la réponse à la sélection n’est souvent pas telle qu’attendue.

Ce résultat s’explique par le fait qu’il existe des mécanismes agissant à différents niveaux d’interaction (biotique, abiotique, etc…) qui empêchent cette sélection. Parmi les mécanismes identifiés et discutés se trouvent:

  • La plasticité phénotypique
  • Les corrélations génétiques (corrélation entre certains gènes qui sont souvent sélectionnés conjointement soit pour des raisons physiques soit pour des raisons fonctionnelles)
  • Les effets parentaux
  • La sélection fluctuante (la direction de la sélection des individus qui survivent varie avec la variation environnementale, ce qui maintien la diversité car les sélections peuvent tirer vers des optima différents)

Mais deux aspects restent encore à prendre en compte, nous disent les auteurs de l’article: le premier est que bien que ces mécanismes agissent souvent simultanément on les étudie séparément, ignorant ainsi les conséquences de leur cumul et de leur interactions. Le second élément est l’existence d’autres mécanismes que l’on ne sait pas encore prendre en compte à ce jour: l’hérédité non-génétique, la co-évolution ou encore la démographie.

Dans les populations naturelles, comme tous les mécanismes doivent agir ensemble il n’est pas si choquant que la sélection soit moindre qu’attendue. Cet amoindrissement de l’efficacité de la sélection dans les populations naturelles permet cependant de maintenir la diversité, qui pourra être remobilisée face à de nouvelles conditions environnementales.

« C’est en intégrant tous ces mécanismes à tous les niveaux que l’on pourra corriger nos prédictions d’évolution, et que l’on pourra expliquer pourquoi la diversité se maintient. Ce n’est qu’à ce prix-là que l’on pourra commencer à voir apparaître une image plus réaliste de ce qui se passe dans les populations naturelles, et de pourquoi elles répondent ou ne répondent pas aux pressions de sélections. » conclue ainsi Benoit Pujol.

Voir aussi

Benoit Pujol et al. The Missing Response to Selection in the Wild. Trends in Ecology & Evolution (2018).

DOI: https://doi.org/10.1016/j.tree.2018.02.007

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 06 avril 2018 | Rédaction : Benoit Pujol & Guillaume Cassiède-Berjon