Rencontre avec Sylvain Merlot, lauréat d'un package TULIP

Récemment arrivé au LRSV suite à l'obtention d'un Package TULIP, découvrez la thématique de recherche de Sylvain : l'hypperaccumulation des métaux dans les plantes.

Quel est ton parcours ?

J’ai commencé par une thèse à l’Institut des Sciences du Végétal à Gif-sur-Yvette, sur la signalisation de l’acide abscissique (ABA), chez Arabidopsis thaliana, par la suite, j’ai fait 4 ans de postdoc à l’Université de San Diego pour travailler sur le chimiotactisme chez l’amibe dictyostelium.

Fin 2004 j’ai été recruté au CNRS où j'ai repris un peu mon sujet de thèse mais en axant mes recherches sur les protéines kinases et phosphatases impliquées dans la voie de signalisation de l’ABA.

Après 5 ans, j’ai décidé de changer de thématique et commencé à travailler sur l'hyperaccumulation des métaux chez les plantes. Pour initier ce nouveau projet, je suis parti 2 ans en Nouvelle-Calédonie en mise à disposition de l’IRD avant de revenir à l’I2BC depuis 2011.

Sur quoi portent tes recherches ?

Les plantes hyperaccumulatrices de métaux, ce sont des plantes assez particulières qui poussent sur des sols riches en métaux toxiques pour la majorité des plantes. Il y en a en France, mais l’une des principales régions est la Nouvelle-Calédonie en termes de diversité d’espèces, d'où l’initiation de mes projets là-bas.

Les sols de Nouvelle-Calédonie sont des sols ultramafiques, très pauvres en éléments nutritifs et riches en oxyde de fer, nickel, chrome, manganèse et magnésium. Il faut savoir qu'il y a des métaux essentiels (comme le fer, le manganèse, etc.) et d’autres non essentiels (comme le cadmium).

Sur des sols où les métaux sont en excès, la plupart des espèces vont essayer d'exclure ces métaux. L'hyperaccumulation est donc un phénomène rare car probablement coûteux en énergie, pour accumuler quelque chose contre des gradients et aussi pour synthétiser des molécules pour chélater les métaux et limiter leur toxicité. Donc si l’on imagine pas un système de sélection positif, ce mécanisme ne devrait pas être sélectionné.

Plusieurs théories :

  • l’allélopathie : quand les feuilles des plantes accumulatrices tombent, cela crée un environnement proche encore plus enrichi en métaux et donc limiter les compétition avec d’autres espèces
  • la défenses contre les insectes : en ayant des feuilles toxiques, pour se protéger des insectes, bien qu’il y a eu des co-évolutions et que certains insectes se sont très bien adaptés et mangent des plantes hyperaccumulatrices
  • la réponse en défense contre des pathogènes : champignons ou bactéries. Et là il y a plus de données qui corroborent cette théorie.

Mon but est d'identifier les gènes impliqués dans l'hyperaccumulation des métaux, ça ne vient pas de nul part, ça vient d'une évolution du système d'homéostasie, car tous les organismes ont besoin de réguler le stockage des métaux.

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Euphorbia helenae (Mayari, Cuba) avec un latex bleuté riche en nickel
Crédit : Sylvain Merlot

Quel axe de recherche vas-tu explorer ?

Ce qui est intéressant dans mon projet c’est à la fois de comprendre des mécanismes moléculaires originaux et aussi d’en étudier leurs diversités. Il y a environ 700 espèces hyperaccumulatrices de métaux, la majorité accumule le nickel. J'essaye de comprendre si ce sont c’est les mêmes mécanismes impliqués pour ces différents métaux, et quels sont les mécanismes spécifiques à chaque métal. Ces 700 espèces appartiennent à environ 50 familles dicotylédones, j'essaye donc également de savoir si toutes les plantes ont mis en place les mêmes mécanismes ou s’il y a des spécificités par espèces.

Je travaille sur la famille des Brassicaceae qui contient beaucoup d’hyperaccumulateurs (il y en a en Europe, en France, en Occitanie). J’ai aussi travaillé sur d’autres familles comme les Rubiaceae et les Euphorbiaceae, via mes collaborations en Nouvelle-Calédonie et à Cuba. 

L’espèce sur laquelle mon projet va se développer est Noccaea caerulescens, qui est capable d’accumuler le zinc, le nickel et le cadmium. Le zinc et le cadmium sont souvent liés pour des raisons moléculaires, mais il est assez rare qu’une même espèce soit capable d’accumuler le nickel et le zinc. Chez les Brassicaceae on retrouve d’autres espèces hyperaccumulant uniquement le zinc et des espèces hyperaccumulant uniquement le nickel. Ca veut dire que ces mécanismes sont indépendants mais qu’il peut y avoir des choses communes.

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Noccaea caerulescens (Firmi, Aveyron)
Crédit : Sylvain Merlot

Pourquoi rejoindre le LRSV et TULIP ?

Je travaillais précédemment dans un institut où l’axe biologie-santé devenait de plus en-plus important, hors je pense que mon projet a plus d’intérêt à se développer dans un contexte Biologie-Environnement ce qui est l’un des objectifs du LabEx.

J’ai beaucoup travaillé avec des approches transcriptomiques et de génétique moléculaire en me concentrant sur la plante et les mécanismes de transport des métaux. Je pense qu’il est également important maintenant d’élargir les questions abordées en replacant la plante hyperaccumulatrice dans son environnement en s’intéressant à son interaction avec le sol, avec les microorganismes du sol ou de la phyllosphère. Les paroies végétales apparaisent également aujourd’hui comme des moyens de protection contre les stress métalliques et des lieux de stockage des métaux. Enfin, la présence et la mobilité d’éléments génétiques transposables pourrait expliquer la capacité importante de N. caerulescens à s’adapter rapidement à la contrainte métallique. Je pense donc pouvoir développer des collaborations avec des équipes du LRSV et du LabEx TULIP qui abordent ces questions. 

En quoi le package TULIP va-t-il t’aider ?

Il a été essentiel ! J’étais intéressé pour venir et travailler sur cette espèce au LRSV, mais il est relativement difficile de changer de laboratoire pour y démarrer une nouvelle thématique. Sans le package TULIP je n’aurais pas pu effectuer cette mutation, il me permet de redémarrer dans de bonnes conditions mon projet ici. Une grande partie du package servira à recruter un·e étudiant·e en thèse, et une partie sera investie dans de la génomique. Là aussi la présence de Genotoul sur le centre INRAE Occitanie-Toulouse, avec qui je travaille déjà, a été importante dans mon choix de venir.

Pour résumer tes projets à venir

Développer l'espèce Noccaea caerulescens, comme espèce modèle :

  • de la prospection de nouvelles accessions pour étudier la diversité
  • des études génomique, pour connaître le génome de ces différentes accession et essayer de cibler les gènes impliqués
  • le développement de la transgénèse, c’est une espèce relativement récalcitrante à la transformation et si aujourd’hui on veut étudier la fonction des gènes, il faut être capable de modifier les génomes

Date de modification : 20 juillet 2023 | Date de création : 17 mars 2023 | Rédaction : TULIP Communication