Mésange charbonnière

Le rôle des bactéries dans la reproduction

Que ce soit dans l’eau, l’air, le sol ou même les organismes, les bactéries ont colonisé tous les milieux. Le « microbiome », ensemble des microorganismes auxquels un individu est exposé, est cependant aussi bien composé de bactéries indispensables à notre survie que de bactéries nocives. Afin de permettre aux êtres vivants de favoriser les unes et de réguler les autres, des mécanismes de contrôle de ce microbiome ont évolué. Des chercheurs du laboratoire EDB (Évolution et Diversité Biologique - CNRS / UT3 / ENFA) se sont demandés comment la plus commune des mésanges eurasiatiques, la mésange charbonnière, régule son microbiome et, en retour, les effets que celui-ci peut induire sur l’oiseau… ainsi que sur sa descendance.

Dans le vaste règne des micro-organismes, certains rôles apparaissent clairement définis : les parasites ont par exemple un effet négatif sur leur hôte  et amoindrissent par là-même  son  aptitude à se reproduire. Au contraire, les microorganismes « bénéfiques » peuvent avantager leur hôte en occupant l’équivalent de « niches écologiques », empêchant de potentiels parasites de s’installer ouen fournissant de nouvelles fonctions métaboliques. Mais les hôtes ont-ils le pouvoir de contrôler ces microbiomes ?

Chez la mésange, plusieurs études antérieures avaient déjà suggéré que le système de régulation du microbiome du plumage externe impliquait une glande en bas de son dos, appelé « glande uropygienne ». Cet organe produit une huile dont les mésanges enduisent leur plumage et affectent leur microbiome.

Afin de mieux définir les rôles du microbiome bactérien présent sur le plumage et les moyens à disposition de l’oiseau pour le réguler, les chercheurs en écologie du laboratoire EDB de Toulouse ont voulu savoir comment une modification de ce microbiome pouvait influer sur le volume et la composition de l’huile sécrétée par cette glande. Les chercheurs ont pulvérisé sur un groupe de nids expérimentaux soit une solution favorisant la multiplication des microbes soit au contraire un traitement limitant leur croissance. Ils ont ensuite mesuré la quantité et la composition de l’huile produite par la glande uropygienne de 54 mésanges femelles et 42 mésanges mâles.

Il est d’une part apparu que seuls les mâles ayant, en raison du traitement, plus de microbes sur leur plumage augmentent la quantité de leurs sécrétions. D’autre part, si mâles et femelles ajustent la composition de leurs sécrétions en fonction de la nature des microbes présents sur leur plumage, ils le font de façon différente. Les deux sexes ont ainsi affiché des variations de concentration semblables pour douze des molécules composant l’huile, mais les femelles ont de plus montré des changements pour trois molécules supplémentaires. Ainsi, les mésanges sont capables d’ajuster leur niveau de défense en fonction des microbes auxquels elles sont exposées et ce, de façon différente selon les sexes.

Si le lien entre les comportements des oiseaux et leurs microbiomes est prouvé, ce dernier a-t-il une influence à son tour sur les oiseaux ? Le résultat est une nouvelle fois clair : dans les nids traités avec moins de bactéries, les oisillons grossissaient plus rapidement et atteignaient une taille supérieure au moment de prendre leur envol.

C’est la première fois que des biologistes démontrent expérimentalement chez une espèce sauvage, l’effet réciproque entre le microbiome environnemental et l’animal. Ces résultats ouvrent donc de nouvelles perspectives pour l’étude des interactions entre les êtres vivants et leur microbiome.

Voir aussi

Références des publications

  • Uropygial gland size and composition varies according to experimentally modified microbiome in Great tits, par Staffan Jacob, Anika Immer, Sarah Leclaire, Nathalie Parthuisot, Christine Ducamp, Gilles Espinasse & Philipp Heeb, publié dans BMC Evolutionary Biology le 27 juin 2014
  • Microbiome affects egg carotenoid content, nestling development and adult oxidative costs of reproduction in Great tits, par Staffan jacob, Nathalie Parthuisot, Armelle Vallat, Felipe Ramon-Portugal, Fabrice Helfenstein & Philipp Heeb, publié dans Functionnal Ecology, 2015

Contact chercheur

  • Staffan Jacob, Evolution et diversité biologique - EDB (CNRS / Université Toulouse III - Paul Sabatier / ENFA) / Station d'écologie expérimentale du CNRS à Moulis (CNRS / MNHN)
    Tél. : 05 61 04 03 69 / jacobstaffan[at]gmail.com
  • Philipp Heeb, Evolution et diversité biologique - EDB (CNRS / Université Toulouse III - Paul Sabatier / ENFA)
    Tél. : 05 61 55 64 50 / philipp.heeb[at]univ-tlse3.fr

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 27 janvier 2015 | Rédaction : Gaël Esteve