Les porcs anciens révèlent un renouvellement génomique presque complet après leur introduction en Europe

Des preuves archéologiques indiquent que les cochons domestiques sont arrivés en Europe aux côtés des agriculteurs venus du Proche Orient il y a 8500 ans. Pourtant le génome mitochondrial des cochons européens actuels est dérivé du génome des sangliers (porc sauvage d’Europe). C’est ce mystère qu’ont tenté d’élucider les chercheurs d’un large consortium international dont fait partie François-Xavier Ricaut, du laboratoire Evolution et Diversité Biologique (UMR UT3/CNRS/IRD).

La domestication du porc a commencé il y a environ 10500 ans au Proche-Orient. L'ADN des mitochondries (nommé ADNmt), suggère que les porcs sont arrivés en Europe aux côtés des agriculteurs il y a 8500 ans, confirmant une étude de 2012 à laquelle avait déjà participé F-X Ricaut (voir encadré ci-dessous). Cependant, quelques milliers d’années après l’introduction du porc en Europe depuis le Proche-Orient, la signature caractéristique de l’ADNmt de ces porcs a disparu et a été remplacée par des haplotypes associés aux sangliers européens.

Ce changement pourrait s'expliquer par un important flux de gènes en provenance du sanglier européen, bien qu'il soit également possible que des géniteurs européens aient été domestiqués indépendamment sans aucune contribution génétique des porcs domestiqués du Proche-Orient.

Une disparition quasi complète de l’ascendance Proche-Orientale

Pour tester ces hypothèses, les chercheurs ayant conduit cette étude ont récolté des séquences d’ADN mitochondrial de 2099 échantillons de porcs anciens et modernes et de 63 génomes nucléaires anciens de porcs du Proche-Orient et de l’Europe. Leurs analyses révèlent que les porcs domestiques Européen datant de 7100 à 6000 ans possédaient à la fois des ancêtres Européen et du Proche Orient, tandis que les porcs plus récents possédaient moins de 4% d’ascendance Proche Orientale. Le flux de gènes provenant de sangliers sauvages européens semble donc avoir entraîné une disparition quasi complète de l’ascendance Proche-Orientale.

Ces résultats indiquent globalement que bien que les porcs n’aient pas étés domestiqués de manière indépendante en Europe, la vaste majorité de la sélection et des pratiques d’élevages effectuée par l’être humain au cours des 5000 dernières années a conduit à augmenter la fraction génomique dérivée des sangliers européens, au dépends de la fraction sélectionnée par les premiers agriculteurs néolithiques sur les premiers 2500 ans du processus de domestication. En d’autre terme, les variants génomiques sélectionnés chez les porcs du Proche Orient n’ont pas été essentiels au maintien du phénotype domestique observé chez les porcs européen.

Voir aussi

  • L’article complet : Laurent A. F. Frantz & al. Ancient pigs reveal a near-complete genomic turnover following their introduction to Europe. PNAS | August 27, 2019 | vol. 116 | no. 35 | 17231–17238 doi/10.1073/pnas.1901169116
  • L’article de 2012 auquel avait collaboré F-X Ricaut : Claudio Ottoni, Linus Girdland Flinkd, Allowen Evingh, Christina Geörgi,j, Bea De Cuperek, Wim Van Neera,k, László Bartosiewiczl, Anna Linderholmd, Ross Barnettd, Joris Petersm, Ronny Decorteb,c, Marc Waelkensn, Nancy Vanderheydenb, Ricaut F.X., A. Rus Hoelzele, Marjan Mashkourh, Azadeh Fatemeh Mohaseb Karimluh, Shiva Sheikhi Senoh, Julie Daujatg,h, Fiona Brockp, Ron Pinhasiq, Hitomi Hongor, Miguel Perez-Encisot, Morten Rasmussenu, Laurent Frantzv, Hendrik-Jan Megensv, Richard Crooijmansv, Martien Groenenv, Benjamin Arbucklew, Nobert Beneckej, Una Strand Vidarsdottirx, Joachim Burger, Thomas Cucchi, Keith Dobneyg, Greger Larson. 2012 Pig domestication and human-mediated dispersal in western Eurasia revealed through ancient DNA and geometric morphometrics. Mol Biol Evol. 30(4):824-32. doi:10.1093/molbev/mss261

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 06 décembre 2019 | Rédaction : Guillaume Cassiède-Berjon & François-Xavier Ricaut