Symbioses végétales : trois gènes les unifient toutes

Depuis 450 millions d’années que les plantes vivent sur les terres émergées, elles ont évolué une multitude d’association bénéfique, symbiotique, avec leur microbiote. Les plus intimes de ces symbioses voient certains microbes bénéfiques être accommodés à l’intérieure même des cellules de la plante hôte. Dans une étude portant sur l’analyse génomique de plus de 400 espèces végétales publiée dans la revue Nature Plants, des chercheurs du Laboratoire de Recherche en Sciences Végétales (LRSV) impliqués dans TULIP et leurs collègues de cinq autres pays ont découvert une base génétique commune à toutes ces symbioses, renforçant l’idée que ces dernières ont une origine commune.

Pendant des milliards d’années, la vie est restée confinée aux étendues aquatiques, océans, mers et lacs. Il y a 450 millions d’années, les plantes ont colonisé les terres émergées, entrainant une métamorphose profonde de notre planète et l’évolution d’écosystèmes contenant une biodiversité animale, microbienne et végétale unique. Il est admis que cet évènement de colonisation a été possible entre autre grâce à l’interaction mutuellement bénéfique de ces premières plantes avec certains champignons qui augmentent les capacités de collecte de nutriments et d’eau dans les sols. Aujourd’hui, si cette symbiose persiste chez 80% des plantes qui nous entourent, elle n’est plus la seule ! En effet, de nombreuses associations symbiotiques ont évolué chez des plantes aussi variées que le soja et la vanille.

Les symbioses plantes – microbes, une longue co-évolution

Des chercheurs du monde entier s’attèlent à comprendre comment ces symbioses fonctionnent et comment elles ont pu évoluer. Ces questions sont fascinantes à deux égards. Tout d’abord, ces symbioses partagent un phénomène d’interaction entre organismes vivants d’une intimité rare : le symbionte microbien est hébergé à l’intérieur même des cellules végétales. D’autre part, ces symbioses présentent des fonctions écologiques indispensables et sont présentes dans la quasi-totalité des écosystèmes existant. Comprendre ces symbioses et les mécanismes sous-jacents offre la possibilité de mieux les exploiter en agronomie, ce qui faciliterait la transition vers une agriculture moins dépendante en intrants.

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Section de l’hépatique Marchantia paleacea colonisée par un champignon symbiotique. © Aurélie Le Ru & Nicolas Vigneron

Depuis plusieurs décennies, l’étude de deux symbioses végétales a permis l’identification de plusieurs gènes de plantes impliqués dans la reconnaissance des symbiontes et leur « hébergement » à l’intérieur de la cellule végétale. Les autres symbioses « intracellulaires » avaient été jusqu’à aujourd’hui très peu étudiées.

Une poignée de gènes communs à toutes les symbioses végétales

Pour aller plus loin dans la compréhension des symbioses végétales en général, des chercheurs du LRSV ont comparés les génomes de plus de 400 espèces de plantes capable de former une ou plusieurs de ces symbioses « intracellulaires ». Dans cette diversité de plantes étaient également présentes des espèces qui ont perdu la capacité de s’associer avec ces symbiontes. De manière remarquable, peu importe la nature de leur symbiose, toutes les espèces symbiotiques possèdent trois gènes qui ont été systématiquement perdu chez les espèces « non-symbiotiques ». Cela démontre que la grande diversité de symbiose observée chez les plantes est bâtie sur un socle moléculaire commun !

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La légumineuse Medicago truncatula (haut à gauche) et l’hépatique Marchantia paleacea (en bas à gauche) sont respectivement colonisées par un champignon symbiotique dans les racines (en haut à droite) et les thalles (en bas à droite). Ici, le champignon est coloré en bleu avec de l’encre. © Morgane Lemarquer & Mélanie Rich

Vers de nouvelles symbioses pour l’agriculture

Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet ENSA (Engineering Nitrogen Symbioses for Africa, https://www.ensa.ac.uk/), une initiative visant à introduire de nouvelles symbioses chez des plantes de grand intérêt agronomique telles le maïs, le blé ou le manioc. De telles symbioses permettraient une forte diminution de l’ajout d’intrant chimique tout en permettant l’amélioration très significative de la production agronomique dans des régions du monde où la fertilisation – coûteuse - n’est pas une option. En démontrant que les symbioses reposent sur une même base génétique, ces travaux crédibilisent un peu plus cet objectif ambitieux.

Voir aussi

An ancestral signalling pathway is conserved in intracellular symbioses-forming plant lineages. Nature Plants. 2020 Mar;6(3):280-289.
Radhakrishnan GV, Keller J, Rich MK, Vernié T, Mbadinga Mbadinga DL, Vigneron N, Cottret L, Clemente HS, Libourel C, Cheema J, Linde AM, Eklund DM, Cheng S, Wong GKS, Lagercrantz U, Li FW, Oldroyd GED, Delaux PM.

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 27 mars 2020 | Rédaction : Pierre-Marc Delaux & Guillaume Cassiède-Berjon